Comment comprendre nos interactions, et en particulier celles sur nos lieux de travail ?
A chaque fois que nous interagissons avec quelqu’un, nous répondons à certains besoins sociaux et en occultons d’autres. Ainsi, nos propos et nos comportements peuvent déclencher de la motivation pour certaines personnes, mais peuvent aussi malheureusement les amener à se bloquer et ne plus agir…
La théorie économique qui prétend que les individus sont des décideurs “purement rationnels” (homo oeconomicus) est clairement dépassée (Simon, 1955). Les personnes sont fortement motivés par les informations sociales et les motivations sociales, sous une certaine forme de menaces et de récompenses dans le cerveau.
Les leaders qui reconnaissent cela et réduisent les menaces en favorisant aussi les récompenses dans chacun des 5 domaines auront beaucoup plus de succès que ceux qui s’attendent à ce que les gens “suppriment” leurs émotions et leurs besoins sociaux (Gross, 2003). La suppression est d’ailleurs une stratégie de régulation ineffective et coûteuse, qui tend à aggraver les émotions et à réduire davantage le fonctionnement cognitif (Ochsner, 2008 ; Webb et al., 2012).
La recherche en psychologie sociale ainsi que les progrès nombreux dans les neurosciences, montrent clairement que les leaders peuvent maximiser l’engagement et générer des comportements et actions durables en interagissant positivement avec leurs collègues ou les membres de leur équipe (Kuhlmann & Kadgien, 2018; Waldman et al., 2017).
Je vais vous présenter ici 5 principaux domaines qui importent pour un neuro-leadership inspirant, sublimant et bienveillant (Ashkanasy & Dorris, 2017; Bies et al., 2016, Mayer et al., 2016; Ryan & Deci, 2019)…
Ce modèle définit 5 domaines d’expérience qui activent de fortes menaces et/ou récompenses dans le cerveau, influençant un large éventail de comportements humains :
Le statut, la sûreté, l’autonomie, le sentiment d’appartenance et l’équité.
Statut (comment on peut se distinguer des autres)
Certains leaders peuvent éroder le sentiment de “statut” de leurs employés s’ils gaspillent de nouvelles idées ou s’attribuent le mérite du travail des autres. Les neuro-leaders vont valoriser ce statut en partageant les réalisations des employés avec l’ensemble de l’équipe – ou mieux encore, en donnant à leurs employés la parole pour le faire eux-mêmes.
Sûreté (peur de l’inconnu)
Les humains aiment par nature savoir ce qui va se dérouler, et ainsi comprendre leur environnement. Des menaces sur cette sûreté peut survenir lorsque les rôles ou responsabilités ne sont pas totalement clairs et lorsque des réunions se prolongent indéfiniment. Les neuro-leaders vont faire connaître leurs attentes dans la mesure du possible, en fixant des ordres du jour clairs et des calendriers précis pour les réunions, en s’y tenant.
Autonomie (contrôle propre sur son travail)
S’impliquer dans le moindre détail du travail des membres de leur équipe (micro-management) va menacer l’autonomie de ces personnes. Les neuro-leaders accordent aux employés le temps et l’espace nécessaire pour faire leur travail, sans entraves. Ils envoient un signal beaucoup plus gratifiant de confiance et apprécient la capacité chacun/e à faire avancer les projets.
Appartenance (sentiment d’être dans un groupe)
Des groupes internes ou externes apparaissent constamment au travail et l’objectif est d’élargir le groupe interne et de réduire l’externe. L’appartenance est le sentiment que nous appartenons, sommes dans un groupe. Les neuro-leaders vont utiliser un langage tel que “nous” et “notre” pour promouvoir ce sentiment, au lieu de “vous”, “moi” ou “eux”, qui indique une frontière claire entre les groupes.
Justice (ressentir intrinsèquement un sentiment d’équité et d’égalité)
Justification factuelle face au libre-arbitre. Quand les employés ne perçoivent pas l’image complète et commencent à inventer leurs histoires propres, cela peut augmenter les chances qu’ils se sentent lésés. Les neuro-leaders vont promouvoir l’équité par la transparence. Par exemple, lors de prises de décisions, les neuro-leaders vont communiquer leur processus de réflexion pour choix plutôt qu’un autre. Les feedbacks donnés aux membres de leur équipe est aussi un élément propre à développer ce sentiment.
????Ces 5 domaines ont donc tous un impact sur la perception d’une personne envers une situation sociale, qu’elle soit menaçante ou gratifiante.
✅ La “douleur sociale” est traitée dans le cerveau de la même manière que la douleur physique. Être exclu d’un jeu ou regarder la photo de quelqu’un qui vient de rompre une relation avec vous, “fait mal” et engage également des régions cérébrales très similaires à celles activées quand vous êtes physiquement blessé (Eisenberger, 2012).
De même, le rejet social ou l’ostracisme peuvent entraîner une augmentation de l’inflammation dans le corps (Slavich et al., 2010) et des conséquences négatives sur la santé mentale telles que la dépression (Williams & Nida, 2011).
Des preuves récentes sont allées encore plus loin, montrant que les personnes qui ont pris de l’acétaminophène, un analgésique physique, pendant trois semaines ont signalé des niveaux réduits de douleur sociale et ont montré des réponses neuronales réduites dans les régions du cerveau impliquées dans la douleur associée au rejet social par rapport à celles qui avait pris un placebo (DeWall et al., 2010). Tout comme l’expérience directe du rejet social active les circuits de la douleur dans le cerveau, il en va de même pour l’observation d’un rejet social (Masten et al., 2010).
✅ Ainsi, la prise en compte des réponses et des besoins sociaux et émotionnels joue un rôle, en aidant les personnes à collaborer et à se comprendre avec succès. Cela est particulièrement pertinent pour les personnes occupant des postes de direction, ou managers, car favoriser et soutenir des expériences enrichissantes, telles qu’un sentiment de connectivité entre les employés, est crucial pour le bien-être et la satisfaction au travail.
D’ailleurs, des recherches récentes citent l’incivilité des collègues de travail non seulement comme une cause de détresse et de problèmes accrus sur le lieu de travail, mais aussi comme entraînant un effet de transfert, où le stress du travail est transféré à la maison, ce qui a un impact négatif sur les relations personnelles (Ferguson, 2012).
✅ Les capacités sociales des membres de l’équipe sont de la plus haute importance pour améliorer les performances. “L’intelligence collective”, ou la performance d’un groupe de personnes dans un large éventail de tâches, ne dépend pas de la présence d’une ou de plusieurs personnes intelligentes dans le groupe, mais est directement liée à des facteurs tels que la sensibilité sociale des membres du groupe et l’égalité du temps de parole donné à chacun membre du groupe (Woolley et al., 2010).
⚙️ ???? La démarche complète d’un “neuro-leader” va permettre aux employés de se sentir valorisés, engagés et inspirés pour pouvoir s’engager dans leur travail et accroître leur bien-être.
➡️ Un tel leader utilise ses intelligences cognitive, sociale et émotionnelle pour sublimer les interactions avec son entourage ????????
Comment mettre en place cette démarche complète dans votre entreprise ?
Et si nous en parlions ? ????????
Références :
– Ashkanasy, N. M., & Dorris, A. D. (2017). Emotions in the Workplace. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4(1), 67–90.
– Bies, R. J., Tripp, T. M., & Shapiro, D. L. (2016). Abusive leaders or master motivators? “Abusive” is in the eye of the beholder. In N. M. Ashkanasy, R. J. Bennett, & M. J. Martinko (Eds.), SIOP organizational frontiers series. Understanding the high-performance workplace: The line between motivation and abuse (p. 252–276). Routledge/Taylor & Francis Group.
– Dewall, C. N., Macdonald, G., Webster, G. D., Masten, C. L., Baumeister, R. F., Powell, C., Combs, D., Schurtz, D. R., Stillman, T. F., Tice, D. M., & Eisenberger, N. I. (2010). Acetaminophen reduces social pain: behavioral and neural evidence. Psychological science, 21(7), 931–937.
– Eisenberger, N. I. (2012). The pain of social disconnection: examining the shared neural underpinnings of physical and social pain. Nature Reviews Neuroscience, 1, 421-434.
– Ferguson, M. (2012). You cannot leave it at the office: Spillover and crossover of coworker incivility. Journal of Organizational Behavior, 33 (4), 571–588.
– Gross, J. (2003). The social consequences of expressive suppression. emotion 3 (1), 48–67.
– Kuhlmann, N., & Kadgien, C. A. (2018). Neuroleadership: Themes and limitations of an emerging interdisciplinary field. Healthcare Management Forum, 31(3), 103–107.
– Masten, C. L., Eisenberger, N. I., Pfeifer, J. H., & Dapretto, M. (2010). Witnessing peer rejection during early adolescence: neural correlates of empathy for experiences of social exclusion. Social Neuroscience, 5(5-6), 496–507.
– Mayer, J. D., Caruso, D. R., & Salovey, P. (2016). The Ability Model of Emotional Intelligence: Principles and Updates. Emotion Review, 8(4), 290–300.
– Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2019). Brick by Brick: The Origins, Development, and Future of Self-Determination Theory. In Advances in Motivation Science (Vol. 6, pp. 111–156). Elsevier.
– Simon, H. A. (1955). A Behavioral Model of Rational Choice. The Quarterly Journal of Economics, 69(1), 99.
– Slavich, G. M., Way, B. M., Eisenberger, N. I., & Taylor, S. E. (2010). Neural sensitivity to social rejection is associated with inflammatory responses to social stress. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 107(33), 14817–14822.
– Waldman, D. A., Ward, M. K., & Becker, W. J. (2017). Neuroscience in Organizational Behavior. Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior, 4(1), 425–444.
– Webb, T. L., Miles, E., & Sheeran, P. (2012). Dealing with feeling: A meta-analysis of the effectiveness of strategies derived from the process model of emotion regulation. Psychological Bulletin, 138(4), 775–808.
– Williams, K. D., & Nida, S. A. (2011). Ostracism: Consequences and coping. Current Directions in Psychological Science, 20 (2), 71–75.
– Woolley, A. W., Chabris, C. F., Pentland, A., Hashmi, N., & Malone, T. W. (2010). evidence for a collective intelligence factor in the performance of human groups. Science, 330 (6004), 686–688.