DISC, MBTI et autres horoscopes en tout genre…

Messages postés suite à un article publié sur LinkedIn par Philippe LAFAIX au sujet de :

Duperie et danger des formations commerciales au profilage des clients

https://www.linkedin.com/pulse/duperie-et-danger-des-formations-commerciales-au-profilage-lafaix/

–> Bonjour Philippe, je suis en phase avec votre analyse. Ce problĂšme est trĂšs prĂ©sent depuis plusieurs annĂ©es aux USA oĂč les recrutements passent par ce type de tests (MBTI, NEO-PIR, etc…) et aboutissent Ă  des catastrophes personnelles et organisationnelles. 

Ainsi avec ces test, les diffĂ©rents services s’attendent Ă  ce que leurs membres soient principalement de couleur bleue et rouge, de sorte que les verts et les jaunes sont plutĂŽt considĂ©rĂ©s comme des valeurs aberrantes, bizarres, et moins souhaitables. La partie “moins souhaitable” n’est jamais explicitement Ă©noncĂ©e, quoique
 mais est fortement insinuĂ©e par tous les participants.

MalgrĂ© un rappel de sur le mĂ©lange des couleurs, toutes les activitĂ©s des ateliers sont conçus pour gĂ©nĂ©raliser les couleurs individuelles. “Comment identifier une personne verte par ses indices verbaux, son environnement et son langage corporel”. DĂ©nigrement des autres couleurs, et gĂ©nĂ©ralisation


“Oh, vous ĂȘtes vert comme une personne des ressources humaines” et “le chef des Ventes doit ĂȘtre rouge Ă©carlate. Les personnes jaunes adorent s’amuser et auront du mal Ă  lire un e-mail de travail dĂ©taillĂ©, important et sĂ©rieux”. Les discussions peuvent aboutir Ă  la dĂ©finition du type de voiture qu’une couleur conduirait, au type de vĂȘtements qu’elles porteraient et Ă  leur niveau d’organisation.

Ces exercices ne semblent ĂȘtre que des tentatives pour rĂ©soudre les “problĂšmes des employĂ©s”
 “Oh, tu es trop bleu, tu as besoin de te socialiser davantage. Vert, vous devez augmenter votre Ă©nergie rouge et lancer davantage de dĂ©fis”.

Tout comme pour les â€œĂ©valuations de performance annuelles”, cela crĂ©e un espace pour dĂ©nigrer “les dĂ©fauts” et “diffĂ©rences de personnalitĂ© mineures” au lieu d’encourager une vĂ©ritable tolĂ©rance, une cohĂ©sion et un team spirit. Regardons mieux les intelligences collectives et Ă©motionnelles ! Merci pour cet article.

SUITE…

Merci pour ce long message Vous dĂ©crivez des dĂ©rives trĂšs inquiĂ©tantes. C’est en dĂ©finitive tout le problĂšme des modĂšles. Regardez les effets dĂ©vastateurs des modĂšles techniques sur les marchĂ©s financiers. Sciences sans consciences… vous connaissez la suite !

Je ne pense pas qu’un professionnel sensĂ© vous dise qu’un recrutement doit ĂȘtre basĂ© sur un profil DISC. Par contre ce profil peut permettre de clarifier ou d’approfondir une candidature. C’est une nuance importante. Si dĂ©rive il y a, ce ne sont pas celles de l’outil, mais de l’ouvrier…

Thierry OLIVIER oui mais il reste une non validation scientifique de ces diffĂ©rents outils. Aujourd’hui, les modĂšles de personnalitĂ© reconnus sont le Big5 et HEXACO.

David MUSSEAU bien que les neurosciences aient fait beaucoup de progrĂšs, et qu’il soit aujourd’hui possible d’expliquer biologiquement des Ă©motions, des rĂ©actions, permettez moi d’ĂȘtre encore un peu rĂȘveur et de penser que l’ĂȘtre humain n’est pas que scientifique… Il est paradoxal de critiquer un outil parce qu’il met dans des cases et de rĂ©clamer d’une certaine façon la rigueur mathĂ©matique pour l’Ă©valuer… J’utilise la mĂ©thode disc depuis 17 ans. Je suis de formation scientifique et au debut, j’Ă©tais trĂšs sceptique. Force est de constater, avec l’expĂ©rience, que l’outil DISC apporte quand mĂȘme un Ă©clairage trĂšs pertinent dans beaucoup de cas.

David MUSSEAU, en ce qui concerne le MBTI, The Myers-Briggs Company qui en dĂ©tient les droits et assure entre autres la formation des praticiens et praticiennes dans le monde, dĂ©conseille vivement l’utilisation de ce questionnaire psychomĂ©trique en phase de recrutement. De nombreux articles sur le MBTI et sur la maniĂšre de l’utiliser efficacement au sein des organisations sur la page linkedin de The Myers-Briggs Company

Bonjour Laurent, il faut prendre ces outils avec mesure et d’autant plus que certains ont une validitĂ© scientifique faible ou inexistante. Je me rappelle l’article d’Adam Grant, psychosociologue sur le sujet : https://www.psychologytoday.com/us/blog/give-and-take/201309/goodbye-mbti-the-fad-won-t-die Aussi, la question de la simulation du candidat doit ĂȘtre abordĂ©e. La falsification est dĂ©finie “comme la tendance Ă  se prĂ©senter dĂ©libĂ©rĂ©ment de maniĂšre plus positive que ce qui est exact afin de rĂ©pondre aux exigences perçues de la situation de test” (1). Une Ă©tude avait rĂ©vĂ©lĂ© de fausses rĂ©ponses pour un quart Ă  la moitiĂ© des participants (2). Certaines contre-mesures Ă  la simulation proposĂ©es sont des tests et re-tests de relance, pour vĂ©rifier si la personne est cohĂ©rente dans ses rĂ©ponses, ou poser des questions qui nĂ©cessitent des rĂ©ponses rapides. Toutefois, ces mesures entraĂźnent des rĂ©sultats moins fiables et moins valides, car certains outils utilisĂ©s pour dĂ©tecter la simulation ne fonctionnent pas bien (3).

1. Jinyan Fan, Dingguo Gao, Sarah A. Carroll, et. al., Testing the Efficacy of a New Procedure for Reducing Faking on Personality Tests Within Selection Contexts, American Journal of Applied Psychology 1, 2 (2012). 2. R. L. Griffith, et al, Do Applicants Fake? An Examination of the Frequency of Applicant Faking Behavior, 36 Personnel Review, 341 (2007). 3. Mitchell H. Peterson, Richard L. Griffith, Joshua A. Isaacson, et. al., Applicant Faking, Social Desirability, and the Prediction of Counterproductive Work Behaviors, 24 Human Performance 270, 286 (2011). 

Bonjour Thierry, l’usage des traits de personnalitĂ© est interessant en tant que construit pour des variables de contrĂŽle dans des Ă©tudes. Il ne s’agit pas de placer dans des cases mais de contrĂŽler qu’un comportement ou une hypothĂšse est plus ou moins fortement corrĂ©lĂ©e avec ces traits (Big Five ou HEXACO principalement). Aussi, mon post Ă©tait un tĂ©moignage sur les pratiques de coaches et leurs implications. Bonne journĂ©e. La vie est belle !

Bonjour David et merci de poursuivre la conversation sur ce sujet. Dans l’article que vous citez il m’apparait dĂšs les premiĂšres lignes qu’Adam Grant fait Ă©tonnamment une confusion entre un questionnaire qui porte sur les TRAITS de la personnalitĂ© et celui, comme le MBTI, qui porte sur le TYPE de personnalitĂ©: “…my score means that I’m MORE introverted than extraverted….”. Je renvoie ici le lecteur vers l’article WikipĂ©dia https://fr.wikipedia.org/wiki/PersonnalitĂ© pour une premiĂšre approche des diffĂ©rences entre ces deux types de questionnaire. Le MBTI parle de prĂ©fĂ©rences comportementales. La notion de prĂ©fĂ©rence a son importance car elle introduit que chaque individu est en mesure d’utiliser les 8 prĂ©fĂ©rences comportementales mais que 4 de ces prĂ©fĂ©rences (1 par dimension) sont utilisĂ©es de maniĂšre prĂ©fĂ©rentielle et spontanĂ©e, Ă  la maniĂšre d’heuristiques, de micro-programmes. Enfin, il faut Ă©galement intĂ©grer qu’il faut un protocole particulier pour dĂ©couvrir son type de personnalitĂ© MBTI auxquels les pseudos questionnaire MBTI sur le web ne donnent pas accĂšs:  1) RĂ©pondre au questionnaire pour faire ressortir un TYPE APPARENT   2) RĂ©aliser un entretien avec un praticien pour notamment valider son type (TYPE VALIDÉ). (modifiĂ©)

Merci Laurent pour cet ajout, et je connais bien le MBTI qui n’est en rien un outil scientifique mais un test qui gĂ©nĂšre beaucoup d’argent. Le type de personnalitĂ© Jungien auquel se rattache le MBTI n’est pas considĂ©rĂ© comme scientifique, il manque des donnĂ©es collectĂ©es. La recherche a rĂ©vĂ©lĂ© que le MBTI ne prĂ©dit pas le comportement de maniĂšre cohĂ©rente, ni psychomĂ©triquement, de plus, la façon dont il est construit est assez Ă©trange (Riggio, 2018) Robert Hogan (2007), a considĂ©rĂ© le MBTI comme “un peu plus qu’un biscuit de fortune chinois” dans son livre. Aussi, David J. Pittenger (1993), professeur adjoint en recherche sur le MBTI Ă  l’UniversitĂ© de l’Indiana au dĂ©but des annĂ©es 90, a dĂ©clarĂ© catĂ©goriquement qu’ “il n’y a aucune preuve Ă©vidente qu’il existe 16 catĂ©gories uniques dans lesquelles toutes les personnes peuvent ĂȘtre classĂ©es”. Le MBTI c’est l’effet Barnum car lorsqu’on lit les descriptions de base, elles sont toutes rĂ©digĂ©es de maniĂšre positive. Si vous Ă©crivez quelque chose d’aussi gĂ©nĂ©ral, cela s’applique Ă  tout le monde. Tout a l’air juste, tout est positif et si gĂ©nĂ©rique que les gens disent : “Whaouhhh !! c’est un miracle, cela s’applique totalement Ă  moi”. En gros, ce sont des horoscopes… (modifiĂ©)

«(
) Sur une pĂ©riode de test de 5 semaines, 50% des participants ont reçu une classification diffĂ©rente sur une ou plusieurs des Ă©chelles (MBTI)” (Pittenger, 2005, p. 214) Un trait Ă©vident que le MBTI a en commun avec les horoscopes est sa tendance Ă  dĂ©crire chaque type de personnalitĂ© en utilisant uniquement des mots positifs. Les horoscopes sont aussi populaires, en partie, parce qu’ils disent presque toujours aux gens ce qu’ils veulent, en utilisant des expressions que la plupart des gens croient vraies, comme : “vous avez beaucoup de potentiels inutilisĂ©s”. Ils sont aussi populaires parce que ils sont prĂ©sentĂ©s comme Ă©tant personnalisĂ©s en fonction du signe de la personne. C’est ce que l’on appelle l’effet Forer, d’aprĂšs le psychologue Bertram Forer qui, en 1948, a soumis un test de personnalitĂ© Ă  ses Ă©tudiants, puis Ă  chacun une analyse soi-disant personnalisĂ©e. Les Ă©tudiants qui ont Ă©tĂ© impressionnĂ©s ont attribuĂ© aux analyses une prĂ©cision moyenne de 85%, et ce n’est qu’alors que Forer a rĂ©vĂ©lĂ© que chacun avait reçu un rapport gĂ©nĂ©rique identique. La conviction qu’un rapport est personnalisĂ© pour nous tend Ă  amĂ©liorer notre perception de l’exactitude du rapport.

– Hogan, R. (2007). Personality and the fate of organizations. Mahwah, NJ, US: Lawrence Erlbaum Associates Publishers. – Pittenger, D. J., & College, M. (1993). The Utility of the Myers-Briggs Type Indicator. Review of Educational Research, 63(4), 467–488. – Pittenger, D. J. (2005). Cautionary comments regarding the Myers-Briggs Type Indicator. Consulting Psychology Journal: Practice and Research, 57(3), 210–221. – Riggio, R. E. (2018). What’s Wrong With Leadership?: Improving Leadership Research and Practice. – Stein, R., & Swan, A. B. (2019). Evaluating the validity of Myers-Briggs Type Indicator theory: A teaching tool and window into intuitive psychology. Social and Personality Psychology Compass, 13(2), e12434.

Laurent TELLOTTE merci pour vos Ă©clairages. C’est assurĂ©ment le sujet. Utiliser les outils Ă  mauvais escient.

David MUSSEAUmerciinfiniment pour vosĂ©clairages et la documentation de vosrĂ©ponses. C’estpassionnant !

Bonjour David MUSSEAU. Je salue votre esprit critique et votre volontĂ© de porter Ă  la connaissance de nos lecteurs des Ă©lĂ©ments de connaissance sur les biais cognitifs. Mon dernier commentaire visait Ă  vous alerter sur une possible dĂ©rive dĂ©magogique de votre argumentaire qui Ă  mon sens aurait Ă©tĂ© contre-productive. On pourrait discuter longuement sur le modĂšle Ă©conomique de The Myers-Briggs Company et je crois que nous conviendrions finalement qu’un point important serait que les donnĂ©es issues des millions de rĂ©ponses aux questionnaires et des recherches effectuĂ©es par The Myers-Briggs Company soient accessibles Ă  l’ensemble de la communautĂ© de recherche. Comme beaucoup d’autres modĂšles, outils ou thĂ©ories le MBTI fait aujourd’hui l’objet d’expĂ©rimentations en imagerie mĂ©dicale et nul doute que ces expĂ©rimentations apporteront des donnĂ©es pracieuse’s pour affiner ces outils.

Bonjour Laurent, le souci du MBTI n’est pas tant l’accĂšs aux donnĂ©es, mais plutĂŽt ce qu’on appelle la validitĂ© psychomĂ©trique du test. Je vous invite Ă  lire en particulier les travaux de Pittenger (1993, 2005). Les procĂ©dures d’Ă©chelle ipsative et dichotomique, telles que celles utilisĂ©es par le MBTI, prĂ©sentent plusieurs inconvĂ©nients et limitent la capacitĂ© de faire des prĂ©dictions raisonnables du comportement d’une personne Ă  l’aide de la formule du type Ă  quatre lettres. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, l’utilisation de scores dichotomiques rĂ©duit le pouvoir prĂ©dictif d’une Ă©chelle continue (Hunter et Schmidt, 1990) et peut considĂ©rablement augmenter le taux d’erreurs de type I (Maxwell et Delaney, 1993).  Le souci, je le rappelle encore ici, est l’utilisation et la recommandation d’utilisation ce ces tests pour les organisations car ils n’apportent pas d’Ă©lĂ©ments de comprĂ©hension d’un individu : “little more than an elaborate Chinese fortune cookie” (Hogan, 2007, p. 28) et qu’ils sont aussi souvent dispensĂ©s par des personnes sans aucune formation en psychologie. Bref, mon conseil est de ne pas perdre son temps avec cela, il y a tant Ă  faire dans les organisations pour retrouver la confiance par exemple, de la justice, et de l’authenticitĂ©